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Nouvelle publication, Jean-François Gaudreault-DesBiens et Marie-Claude Rigaud

Profession juriste, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2015, xx p.

Imaginons un instant que le Petit Prince de Saint-Exupéry ait posé à son  ami aviateur cette question : « S’il te plaît, dessine-moi le droit. » Il est loisible de penser que le récit aurait immédiatement avorté ou, au mieux, qu’il se serait englué dans des développements peu digestes. Pourquoi donc, alors que la question est si simple ? Tout simplement parce que la réponse, en supposant qu’il n’y en ait qu’une, est loin d’être évidente et qu’elle renvoie à un phénomène à la fois abstrait et polysémique. 

Imaginons maintenant que le Petit Prince lui ait demandé « S’il te plaît, dessine-moi l’architecture. » Sans prétendre que la réponse à cette question eut pu être dénuée d’ambiguïté, on peut penser que l’aviateur aurait pu raisonnablement éclairer le Petit Prince en esquissant une maison, un pont ou un château. Et si, d’aventure, il avait été sollicité pour lui expliquer ce qu’est la musique, il aurait très bien pu dessiner un violon ou un piano, voire fredonner une chanson.

Mais le droit ne pourrait-il pas être représenté par, disons, le glaive   ou  la balance de la justice ? Peut-être, mais aucune de ces images ne saurait être considérée comme vraiment satisfaisante. Irréductible à une quelconque représentation physique, le droit est en effet difficilement saisissable, d’abord parce qu’il est en flux constant, dans le temps et dans l’espace, et parce que, malgré son rôle fondamental en tant que pierre d’assise de toute société ordonnée, il est en quelque sorte invisible : on sent parfois son effet, mais on ne le voit guère. C’est face à une injustice que l’on décèle sa présence ou que l’on regrette son absence. On prend alors toute la mesure de son importance. D’ailleurs, l’aviateur aurait pu rétorquer au Petit Prince : « Pourquoi le droit, et pas la justice ? »

Pareille question met en lumière la difficulté de fixer une image du droit, car celui-ci renvoie à des normes — c’est-à-dire à des principes ou à des règles reconnus comme contraignants — qui sont suffisamment précises pour guider la vie des sociétés et des individus. Mais comment dessiner une norme ou un ensemble de normes ?

C’est parce qu’il cherche à prendre acte des défis inhérents à une telle entreprise que cet ouvrage se présente avant tout comme un carnet d’esquisses plutôt que comme un plan qui, au millimètre près, chercherait à décrire une réalité fugace à bien des égards. Et si le droit est irréductible à une représentation monolithique, il en va de même des professions juridiques. En ce sens, le titre Profession juriste, en tant qu’il évoque une profession unique dont les contours seraient parfaitement déterminés ou déterminables, est un tantinet trompeur. C’est donc dans l’optique de mieux saisir la complexité inhérente autant du droit que des professions juridiques que nous posons dans cet ouvrage autant de questions que nous donnons de réponses. Cela est toutefois dans l’ordre des choses, puisque l’une des tâches les plus importantes à laquelle tout juriste est confronté est précisément de formuler de bonnes questions. Quant aux réponses, elles ne peuvent découler que d’un processus de décantation et de réflexion, que nous déclinerons en trois actes.

Le premier s’intéresse à la formation du juriste, le deuxième porte sur la diversité des professions juridiques malgré leur fonds commun, alors que le troisième scrute la relation entre le droit et la justice.