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Ce mot que Monsieur Legault ne veut pas prononcer

La mort horrible de Mme Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette a envoyé une onde de choc dans tout le Québec. La nouvelle de la façon indécente avec laquelle Mme Echaquan a été traitée s’est répandue partout dans le monde.

Joyce Echaquan décédée le lundi 28 septembre dernier à l’hôpital de Joliette.

 

Ce matin, une lettre ouverte au premier Ministre du Québec a été rendue publique. Elle a été signée par plus de 470 personnes (dont la plupart sont des professeurs et professeures d’université) qui demandent à Monsieur Legault, en plus des excuses qu’il vient de prononcer au nom du Québec, de reconnaitre la nature systémique du racisme envers les autochtones. Cette lettre a été inspirée par la réponse de  Mme Suzy Basile du Laboratoire de recherche sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones – Mikwatisiw à la question : Que peut-on faire face au décès de Mme Echaquan? Elle demande la reconnaissance de la nature systémique du racisme par le premier ministre du Québec.

La demande explicite des peuples autochtones de la reconnaissance de la dimension systémique du racisme tient au fait que le racisme au Québec, n’est pas simplement et nécessairement individuel. C’est un racisme inscrit dans nos institutions et qui donc se retrouve dans tous types d’institutions. Comme le dénonce la lettre ouverte à Monsieur Legault, rappelons que Mme Echaquan était à l’hôpital dans une institution dont la vocation est de soigner et de guérir. Non seulement lui a-t-on refusé le droit de vivre dans la dignité, mais on a salement désacralisé les dernières heures de sa vie.

Selon une des instigatrices de la lettre, Mme Catherine Potvin, il est important que le premier ministre du Québec accepte que le racisme est ancré dans l’ensemble des systèmes du Québec, puisque cela permettra de mettre sur pied des solutions qui seront également systémiques. Par exemple, selon les auteur.es de la lettre si les employées sont à blâmer pour leurs paroles, leurs supérieurs ont une responsabilité encore plus grande, car ils ont accepté qu’une telle culture soit tolérée dans leurs établissements. Il faut donc revoir les normes de pratique dans l’intégralité du système de santé, non seulement à l’hôpital de Joliette. C’est donc pour la recherche des mesures correctives que l’admission que le racisme est systémique est important. De même, il faut travailler à éradiquer le racisme dans les systèmes judiciaire, policier et éducatif.

La lettre ouverte nous rappelle aussi qu’à l’origine les Nations Autochtones avaient signé des ententes de coopération et d’assistance mutuelle avec la France. Monsieur Jean Leclair, professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Montréal rappelle dans la lettre ouverte que le renversement du rapport démographique et la perte de statut d’alliés militaires et économiques des peuples autochtones au début du 19e siècle ont toutefois contribué à détériorer les relations, et justifier l’adoption de lois qui ont permis d’institutionnaliser insidieusement « l’indien » comme « sous-personne ».

 

La lettre et la liste des signatures se trouvent sur le site internet Dialogues pour un avenir durable.

Contacts:

 


La lettre

 

Ce mot que Monsieur Legault ne veut pas prononcer : Lettre ouverte au Premier Ministre du Québec

Le 7 octobre 2021

Monsieur Legault,

La mort tragique de Mme Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette est un des moments les plus sombres de la relation entre le Québec et les Nations Autochtones. Le déni et l'inaction ne sont plus possibles. Faut-il rappeler que, quand les colonisateurs français sont arrivés ici, en Amérique, les Premières Nations qui y vivaient leur ont tendu la main? Et que les traités qu’ils ont accepté de signer avec la France étaient des ententes de coopération et d’assistance mutuelle?

Le renversement du rapport démographique et la perte de statut d’alliés militaires et économiques des peuples autochtones au début du 19e siècle ont toutefois contribué à détériorer les relations. En 1857, bien avant l’adoption par le Parlement fédéral de l’Acte des sauvages (ancien nom de la Loi sur les indiens), la Province du Canada-Uni dont faisait partie le Bas-Canada a adopté l’Acte pour encourager la civilisation graduelle des tribus sauvages en cette Province. Cette loi, comme d’autres qui la suivront aux 19e et 20e siècles, allait distordre notre compréhension des peuples autochtones et contribuer à institutionnaliser insidieusement « l’indien » comme « sous-personne ».

Quand un groupe de citoyens et de citoyennes est marginalisé à répétition et depuis des décennies par les institutions publiques en raison de sa race, comme le démontre le rapport de la Commission Viens, il s’agit bel et bien de racisme « systémique ».

Les insultes de l’infirmière et de la préposée de l’hôpital de Joliette adressées à Mme Echaquan sont du racisme explicite, direct, putride. Un racisme qui ne cache pas son nom. Le racisme systémique, quant à lui, s’exprime lorsque, dans une institution publique, les conditions permettent que soient tolérées des actions comme celles-là. Des actions qui, s’il s’était s’agit de notre mère, nous arracheraient des larmes de rage.

Il s’agit donc bel et bien de racisme systémique. Si les employées sont à blâmer pour leurs paroles, leurs supérieurs ont une responsabilité encore plus grande, car ils ont accepté qu’une telle culture soit tolérée dans leurs établissements. Rappelons que Mme Echaquan était à l’hôpital, une institution dont la vocation est de soigner et de guérir. Non seulement lui a-t-on refusé le droit de vivre dans la dignité, mais on a salement désacralisé les dernières heures de sa vie.

Monsieur Legault, nous ne voulons plus vivre dans un Québec qui n’ose pas affronter ses démons.

Qui espérez-vous épargner en refusant de reconnaître le caractère systémique et documenté du racisme à l’encontre des Autochtones?

Qui croyez-vous blesser en faisant un tel aveu? En passant, mettriez-vous en doute que les Canadiens faisaient l'objet de racisme systémique avant les années 1970? Selon un sondage mené en juillet 2020, la très grande majorité des Québécois considèrent que les Autochtones font l’objet de racisme, et que les Premières Nations ne sont pas traitées sur un pied d'égalité avec les Québécois non autochtones dans les structures gouvernementales.

Nous vous demandons de reconnaitre, en tant que premier ministre, que le racisme qui gangrène nos institutions doit être éradiqué. Cela ne veut pas dire que tous les Québécois et tous les fonctionnaires du Québec sont des racistes. Vous êtes trop intelligent pour ne pas le savoir. Cela veut dire qu’il existe une culture institutionnelle qui autorise de traiter les Autochtones comme des personnes de seconde zone. Une culture du « cela va de soi, c’est juste une indienne après tout. »

La mort inacceptable de Mme Echaquan vous donne une occasion de changer l’histoire et de montrer que les Québécois sont prêts à refonder leurs relations avec les Premières Nations. Nous en sortirons tous gagnants, car les cultures et les visions autochtones nous enrichissent tous collectivement.

Nous parlons souvent au Québec des deux solitudes canadiennes, mais il existe une troisième solitude sur le territoire du Québec : celle des Autochtones. Et c’est la plus terrible, car ils la vivent dans le mépris.

Montrez-nous qu’au Québec les peuples autochtones ne se réduisent pas à n’être que des opposants ou des alliés du développement économique. Montrez-nous que leur humanité, faite comme la nôtre de forces et de faiblesses, dépasse leur simple utilité pour l’économie québécoise. Montrez-nous qu’ils comptent comme êtres humains à part entière.

Catherine Potvin, Département de biologie, Université McGill

Jean Leclair, Faculté de Droit, Université de Montréal

Suzy Basile, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue – UQAT, Val d’Or