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Il faut récrire le droit de la famille

Mères porteuses, union de fait, homoparentalité, partage du patrimoine familial… La famille québécoise a bien changé depuis le tournant du millénaire. Pourtant, la plupart des lois qui la concernent datent de plus de 30 ans. C’est pourquoi l’État a chargé en 2013 un groupe d’experts de proposer une réforme de ce droit qui nécessite une sérieuse mise à jour. Il y a un an, le 5 juin 2015, le Comité consultatif sur le droit de la famille déposait son volumineux rapport. En deux ans, les 10 experts ont tenu 26 rencontres. Le président du comité, Alain Roy, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, répond à nos questions.

Pourquoi faut-il revoir le droit de la famille?

Parce qu’il ne convient plus aux réalités actuelles. La dernière réforme date de 1980. La procréation assistée, la maternité de substitution et les familles recomposées étaient alors peu courantes. Ce sont des questions très présentes aujourd’hui. D’autres, comme le phénomène des parents de même sexe, ont pris de l’importance. Au Québec, nous détenons le championnat continental de l’union de fait et le mariage constitue pourtant, encore, la porte d’entrée du droit de la famille en matière conjugale.

Comment qualifiez-vous la famille québécoise?

Elle est plurielle, dynamique, évolutive. En tout cas, elle n’est plus ce qu’elle était. Notre système de droit doit refléter ce pluralisme. En fait, la famille a tellement changé en 30 ans qu’il nous est apparu plus simple de tout recommencer à zéro et de proposer un nouveau cadre juridique.

Alain Roy. Photo : Christian Fleury.

Alain Roy. Photo : Christian Fleury.

Laquelle de vos recommandations vous apparaît la plus urgente?

Je crois qu’il faut reconnaître de toute urgence que le mariage n’est plus la porte d’entrée du droit de la famille. C’est l’existence d’un «enfant commun», principale source d’interdépendance familiale, qui doit mener à des obligations financières entre les conjoints, qu’ils soient ou non mariés. Actuellement, un couple de 65 ans qui se marie en secondes noces voit s’appliquer des éléments comme le partage du patrimoine familial et les pensions alimentaires de subsistance. Des conjoints de fait qui ont trois enfants mineurs à charge ne voient pas ces obligations leur incomber sous prétexte qu’ils ne sont pas unis par le mariage. Pour nous, c’est une lacune qu’il faut corriger. Nous proposons le concept d’«enfant commun» comme l’élément déclencheur du régime juridique impératif applicable aux couples.

L’élément à l’origine de la création du Comité consultatif sur le droit de la famille est le cas célèbre d’Éric contre Lola. Même si nous ne pouvons toujours pas révéler leurs véritables noms ‒ c’est une cause dans laquelle j’ai agi comme expert du procureur général ‒, je rappelle qu’il s’agissait d’une affaire de pension alimentaire et autres droits économiques réclamés par une ex-conjointe de fait estimant avoir les mêmes protections juridiques qu’une ancienne épouse.

Vous proposez un encadrement du phénomène de la maternité de substitution; un groupe de femmes vous a reproché de favoriser le «blanchiment d’enfants»! Qu’en dites-vous?

Les membres du comité n’étaient pas «pour» ou «contre» ce phénomène, ils ont simplement reconnu que c’était une réalité. Actuellement, au Québec, des femmes acceptent de porter un enfant à la demande d’un tiers, soit une personne seule ou un couple, et de le lui remettre à sa naissance. La loi stipule que tout contrat signé entre les partenaires est frappé de nullité absolue. Mais ça se fait quand même. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et ignorer ce fait. Il faut penser à l’intérêt de l’enfant. Et nous pensons que cet intérêt passe par une règlementation. Ce n’est pas simple de légiférer là-dessus. Cela exige une réflexion approfondie et des balises éthiques.

Qu’attendez-vous du législateur relativement à votre rapport?

Les milieux juridiques et sociaux ont réagi très positivement au dépôt de notre rapport. Une étudiante à la maîtrise de la Faculté de droit de l’UdeM, Marie-France Ouimet, a adressé une lettre au gouvernement pour l’inciter à donner suite à notre travail. Quelque 430 juristes ont appuyé cette démarche. L’an dernier, la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, a affirmé qu’elle allait rapidement prendre les mesures nécessaires pour que nos recommandations soient prises en compte. Malheureusement, le temps passe et je crains qu’on ne repousse ce débat à plus tard, à mesure que se rapproche l’échéance électorale.

J’aurais souhaité et je souhaite encore un grand débat national, non partisan, sur le droit de la famille. Un peu comme celui qui a accompagné le projet de loi sur le droit de mourir dans la dignité. La famille, après tout, c’est un sujet qui touche tout le monde. Notre comité a creusé la question et notre rapport constitue une excellente base de discussion.