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Témoignage poignant et parcours inspirant d’une doctorante : L’impossible n’est pas impossible

Hind Adil, ancienne étudiante au doctorat et professeure de droit au Maroc, a subi un accident cérébral en 2015. Elle a tenue a partager ses douleurs passées, ses ambitions futures et sa reconnaissance envers la Faculté de droit de l’UdeM. Un exemple de courage et de résilience.

Témoignage

« Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort! »
– F. Nietzche

Je peux parfaitement comprendre ce mot. Six (6) ans déjà après une hémorragie cérébrale très sévère qui a TOUT changé. Comme chaque année, j’avais mes plans et mes résolutions pour 2014 :

  1. Faire du sport quatre fois par semaine ;
  2. Apprendre de nouvelles choses ;
  3. Participer à des séminaires tous les mois ;
  4. Être plus aventureuse et voyager plus ;
  5. Aider mes étudiants ;
  6. Écrire un livre de méthodologie juridique pratique.

C'était le 18 janvier 2014, précisément un samedi soir. Cette nuit pluviale de l’hiver marocain fut l'une des plus tragiques que peut vivre une famille.

Je ne me souviens pas vraiment des détails, mais imaginez un instant les préparatifs avant un véritable voyage de découverte… et quelle découverte ! Celle de sa bibliothèque interne !

Mon amie m'a rappelé plus tard mon enthousiasme pour ce voyage. Je lui dis, en conduisant vers chez moi, que soudainement j’avais un mal de tête étrange et que la veille, j’avais ressenti des fourmillements dans le bras droit.

En rentrant à la maison, ma mère s’est vite aperçue que quelque chose était inhabituel dans mon discours lorsque j'ai prononcé : « Que personne ne me touche ». La situation était accablante et inquiétante pour mes parents et mon frère aîné. Sans hésitation, ils m'ont amené à l'hôpital. À ce jour, ils en parlent encore et racontent comment ils ont réussi à arriver à la clinique malgré le trafic infernal de Casablanca, la grande ville du Maroc. Deux heures plus tard, une imagerie par résonance magnétique (IRM) révélait une hémorragie cérébrale causée par une malformation artérioveineuse (M.A.V), décrite par les médecins traitants de « tsunami ». Le seul moyen de soulager la pression était de retirer temporairement une partie de mon crâne. En effet, les lésions de l’hémisphère gauche du cerveau menaçaient mon existence.

Après vingt (20) jours dans le coma, je me suis réveillée dans un hôpital à Paris avec quelques « flashbacks ». Je revois ma sortie de la clinique au Maroc, je me souviens d'un pilote avec un gilet orange dans un avion sanitaire et de mon frère assis à mes côtés.

À Paris, j'étais entourée de ma famille, mais incapable de comprendre la vraie raison de mon hospitalisation. Je ne l’ai réalisée vraiment qu’après quelques jours, lorsque je n’avais plus la fièvre et mes mots étaient bloqués dans ma mémoire, par conséquent, j'ai dû réapprendre à lire et à écrire.

Imaginez la frustration ! Après tout, je suis professeur de droit avec d'excellentes compétences en communication. Mon travail en tant qu’universitaire était et reste ma passion. Je ne me voyais pas pratiquer une autre profession. Alors, j'ai dû tout recommencer à zéro! Heureusement, mon hémisphère droit de mon génie a généreusement collaboré.

Durant mon hospitalisation à Casablanca, mes étudiants sont venus me rendre visite. Ce fut un grand plaisir pour moi d'entendre qu'ils venaient tous les jours même si j'étais dans le coma, et ce jusqu’au jour où j’ai quitté la clinique pour aller en France. Je me souviens d'un étudiant en particulier qui m'a rendu visite, à Paris, les premiers mois après mon accident cérébral, alors que j'étais incapable d'articuler convenablement mes mots. Pour entamer la conversation, il m’a dit : « Votre cours de droit maritime était constructif. Dommage, nous n’avions pas terminé la partie consacrée à la vente de navires. ». Alors, j'ai commencé à lui expliquer les principaux points à retenir. J'ai également ajouté :

« N’oubliez pas de lire sur le contrat d’engagement.» Comment aurais-je pu me rappeler tout ça, alors que formuler correctement des phases était ardu !? !? Il faut demander à mon petit cerveau !

La période de convalescence n’a pas été facile. Toutefois, je savais déjà que la vie demande beaucoup d’effort et de volonté pour gagner. Comme si j'étais engagée à faire un long périple en mer et un capitaine averti sait prendre les mesures nécessaires en cas de détresse afin d’atteindre la destination souhaitée.

Plusieurs mois après mon M.A.V., la rééducation était devenue pour moi un travail à temps plein : la physiothérapie cinq (5) jours par semaine, ainsi que l'orthophonie que je pratiquais seule et régulièrement comme si apprendre à parler, lire et écrire ou même marcher n’était pas assez difficile. J’ai été plutôt très troublée par le manque d'énergie physique et la spasticité de ma main droite. Vous pouvez imaginer mon dilemme à l'époque. Toujours, ces troubles physiques sont devenus normaux.

Ma boussole était de continuer à pratiquer et à pousser mes limites jusqu’au bout pour récupérer le maximum de mes fonctions sensitives et motrices. J'ai même appris à écrire avec ma main gauche, alors que j'étais droitière avant. J'écrivais quelques mots, puis encore quelques mots. J'ai continué ainsi jusqu’à écrire des phrases.

Un an plus tard, j'ai senti que je pouvais écrire un paragraphe et même plusieurs. C’est à ce moment-là que je me suis fixé l’objectif d’écrire des pages, sans me soucier des fautes d’orthographe. Mon nouveau travail était un peu exigeant, étant donné que je devais pratiquer l’arabe, le français et l’anglais, sachant que je suis multilingue et je désirais les garder toutes. Chose amusante, la langue qui m'était la plus facile à pratiquer au départ, c'était ma troisième langue, soit l’anglais, tandis que j’avais de la misère avec ma langue maternelle, l’arabe.

Un jour, alors que j'étais assise avec mes parents (mon système de support), je me suis souvenue de mes jours d’enseignement, ma jouissance à former mes étudiants comme il se doit. Sans hésiter, ils m'ont dit : « Eh bien, tu peux toujours le faire ! » Cela a été un tournant pour moi. Entre parenthèses, dans la mesure où le bruit et l’agitation pouvaient affecter le processus de ma guérison, je ne pouvais, malheureusement, pas donner de cours en amphithéâtre jusqu’à tout récemment. Ils m'ont suggéré de commencer à écrire sur mon « succès » et comment je luttais pour l’atteindre. Et là, j'ai dit à mon père que le Bon Dieu repose son âme en paix : « Papa, tu te souviens de tes paroles quand mon état de santé était à un stade critique les premiers mois après l’hémorragie ?» Ses mots sont gravés dans ma mémoire pour toujours : « Hind, tu es une fille courageuse et crois-moi, tu es plus forte et plus intelligente que tu ne le penses. Tu seras mieux qu’avant, car Dieu le tout-puissant et miséricordieux t'aime. »

Mon père savait que mon petit cerveau adore les défis depuis mon tout jeune âge, surtout à l’égard de l’école J. Je l'ai en moi depuis que j’étais toute petite. À l’université, j’ai choisi le droit. Un souhait d’enfance qui me tenait à cœur. Le rêve d’une petite fille qui admirait le métier de son papa en tant qu’homme d’affaires et assureur. Lorsque je suivais mes cours en amphithéâtre, je les trouvais trop courts pour connaître parfaitement toutes les règles ou assez pour simplement comprendre pourquoi on adopte certaines règles et pas d'autres. Aujourd’hui, c’est le sens des interprétations qui posait problème J. J'ai donc demandé à mon très cher père de m'acheter des livres et des encyclopédies juridiques pour lire et préparer le prochain cours. De plus, revoir mes notes des séances précédentes m'avait beaucoup aidé.

Le fait d'être concentrée à atteindre mon objectif, j’ai croisé sur en chemin l’univers de la connaissance et du savoir-faire où des terres de recherche sont si abondantes.

À l'époque, après avoir obtenu ma licence, je voulais explorer mes nouvelles connaissances dans la vie pratique où les défis étaient dispersés de partout jusqu'à mon arrivée à ma ville d'inspiration : Montréal, Canada. Je ne peux pas oublier l’Université de Montréal. Mes jours à la bibliothèque de droit me manquent toujours, mes professeurs, mes amis et l'ambiance conviviale pour apprendre chaque jour de nouvelles choses.

Je trouvais ma vocation épanouie malgré quelques obstacles, et mon cerveau gagnait une immunité supérieure. J’ai fini ma thèse de doctorat dans le délai prescrit de trois (3) ans, la vérité en deux (2) ans, car j’ai travaillé à temps plein un an (1) à Toronto en tant que conseillère juridique.

Après ce parcours et tous ses défis, il fallut rentrer au Maroc pour rendre mon père heureux et fier de moi. Son souhait était d’aider mon pays d'origine. L'intégration à la source initiale de mon savoir était un peu « molle » au début, mais mon nouveau défi était de transmettre mes connaissances et le savoir-faire acquis aux étudiants de droit.

Et là, après trois ans d’enseignement, mon petit cerveau a lâché prise, je suppose :

« Mon petit génie : Hind, je veux un congé prolongé sinon je quitte le bureau.

Moi : Vraiment !

Mon petit génie : Non, je rigolais. Je veux explorer un peu l’inconnu en utilisant la théorie du temps ».

Pensant souvent à cette discussion nostalgique de 2015 avec mon père qui est décédé la même année et le fait de diriger le séminaire de thèse depuis 2017, je trouve que la seule façon pratique pour aider vraiment mes étudiants est de partager mon expérience personnelle dans le contexte pédagogique du livre inachevé de 2014. Mon premier ouvrage après les expéditions de la matière grise qui, elle, a tenu sa promesse. Je suis devenue plus forte que jamais !

Je dois mentionner que mes étudiants (es) au programme de doctorat demandent constamment un guide de méthodologie pratique et lucide.

Aujourd'hui, j'ai terminé mon livre qui prétend être un précis outil (plusieurs professeurs l’ont décrit comme une excellente initiative). Dans ce contexte, ma source d'inspiration est toujours l'Université de Montréal J. Je profite de l’occasion pour partager ma reconnaissance et mes remerciements les plus sincères à la faculté de droit de l’Université de Montréal, mes professeurs et amis, en particulier mon professeur Guy Lefebvre pour ses conseils et sa capacité d'écoute et le professeur Amissi Manirabona pour son amitié. Je tiens également à exprimer ma reconnaissance à mon neurochirurgien, le professeur Philippe Cornu, pour ses encouragements et sa confiance en moi. Le professeur Cornu a estimé depuis longtemps qu'il s'agit d'un pas intéressant qui peut indubitablement motiver les nouveaux chercheurs (es) pour surmonter tous les obstacles et admettre que la persévérance et la confiance en nos capacités intellectuelles sont véritablement les clés réussite. Toujours dans ce sens, j'ai assisté à ma première conférence maritime l'année dernière (2019) à Londres, alors que je venais tout juste de sortir de l’hôpital.

Je souhaite ardemment que mon défi de l’année 2019 se concrétise, malgré les délais cliniques (ex. l’intervention chirurgicale à nouveau et l’arrivée de Covide-19)

Trouver une maison d’édition n’est pas chose facile !

Je suis toutefois convaincue que mon rêve se réalisera. Baisser les bras n’est pas une option. Grâce à Dieu, l’année 2021 serra mon année.

En somme, je reprendrai la parole d’Einstein : « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre.»

Très sincèrement,

Hind Adil